Hier, j'étais dans tous mes états car j’étais en manque de l'Autre et je le tenais responsable du vide de ma vie. Pourtant, lorsqu'il est là, souvent j'ai hâte qu'il parte car la complexité de notre relation me pèse. Cherchez l'erreur chez l'autre est un chemin facile, mais qui ne règle rien et ne m'apporte aucune soulagement à long terme.
Pour être bien à long terme je dois m’occuper de moi, de mes émotions, de ma vie. J'ai fait le bilan de ce que j'aimerais faire et j'explore des avenues. Comme je me connais peu, ayant entre-autre passé ma vie à vivre dans l'autre et pour l'autre (de ma mère à mes amoureux, aux enfants de ceux-ci), j'ai une très mince idée de qui je suis et de ce que j'aime. Je commence à peine à comprendre ce que veux dire prendre soin de moi adéquatement. Mais je suis souvent envahie de découragement lorsque je pense à ce que j'aimerais faire et les actions à poser pour y arriver.
Pour les autres j'ai une énergie sans fin. Pour moi, le découragement et la démotivation ne sont jamais loin. Mais je sais que c'est un apprentissage. Et comme je ne l'ai jamais fait, il faut un commencement quelque part et aussi de la persévérance. Ça j'avoue que j'en développe de plus en plus. Je m'enflamme moins vite devant n'importe quel projet ou situation et j'essaie de voir les choses plus réalistement.
Évitant de me dire que telle ou telle chose va me rendre heureuse et qu'enfin j'ai trouvé LA CHOSE ou L'ACTIVITÉ qui vont me combler. J'assimile l'idée que ce sont des occasions de bonheur, mais que rien ni personne ne peut m'apporter le bonheur, sauf moi. J'assimile cela rationnellement, mais ce concept reste encore difficile à accepter pour moi. Mais j'y travaille, car je trouve que c'est une façon réaliste de voir la vie et de rompre la codépendance.
Je commence aussi à organiser, à petits pas, ma vie sociale. Malgré les apparences je n'ai pas énormément d'aptitudes réelles dans les relations sociales. Je dis malgré les apparences, car de l'extérieur j'ai l'air d'être une personne très ouverte et sociable. Ce qui n'est pas totalement juste dans la réalité. Dans les dix dernières, mes relations étaient d'avantage virtuelles que réelles. Je ressens de l'anxiété lorsque je suis en intimité avec des gens. J'ai l'impression que je dois donner un «show». Je ne sais pas comment l'expliquer. J'ai commencé à inviter des gens. J'ai toujours peur qu'on me dise non. D'essuyer un rejet. Mais je le fais quand même. J'ai entrepris une démarche de réconciliation avec une de mes sœurs. J'ai ouvert la porte. Je crois que j'avance.
Après avoir répertorié des activités et des projets que j'aimerais réaliser, la liste était exhaustive et, comme Diane me le faisait judicieusement remarquer, il serait peut-être préférable d'en prioriser un ou deux et de travailler à les mener à terme plutôt que de me décourager devant une liste trop longue et finalement tout laisser tomber. Je trouvais sa suggestion pertinente et j'y ai réfléchi.
En fait dans ma vie de codépendante, j'ai entrepris des centaines de projets, de cours, d'activités que j'ai rarement pour ne pas dire quasiment jamais menés à terme. Les activités dans lesquelles je me suis le plus assidument impliquée étaient celles que pratiquaient mes conjoints. Le nombre de cours auxquels je me suis inscrite et par la suite abandonné fait légion. Mon intérêt diminuait aussi rapidement qu'il naissait. Je m'emballais, m'enflammais et quelques temps plus tard je ne comprenais pas comment ce projet ou ce cours avaient pu m'intéresser.
J'ai terminé mes études collégiales en 1986 mais j'ai obtenu mon diplôme en 1998. Il me manquait un cours de français que j'ai finalement fait douze ans plus tard. J'avais consacré trois ans de ma vie à ma formation collégiale mais je quittais sans diplôme. J'avais échoué un cours de français et je n'avais pas envie de le reprendre toute suite, plus tard je me disais plus tard... J'en avais assez fait.
En fait, ma mère codépendante missionnaire, m'a apprise très jeune à abandonner. Il me semble clair aujourd'hui qu'elle avait un certain mal à se séparer de moi et qu'elle croyait être une mère aimante et compréhensive en se soumettant à tous mes caprices. Nous étions dans une relation fusionnelle.
Mon entrée à l'école fût un supplice autant pour elle que pour moi. J'étais absente de l'école au moins deux jours chaque semaine. Ma mère autorisait ces absences ! Avec le recul, ça m'apparaît totalement irresponsable de sa part. Je détestais être loin d'elle. J'étais timide et tout me faisait peur. J'avais une seule envie rester à la maison près de ma mère et jouer avec mes poupées. J'avais un monde imaginaire très développé. J'entretenais de longs monologues avec moi-même et mes poupées. Je vivais dans le rêve. J'étais une enfant sage, docile, facile, attachante. Ma mère disait souvent «des comme elle, j'enauraisune douzaine tellement elle s'élève toute seule». Je crois que j'étais une source de consolation pour ma mère. Sa vie de femme au foyer, mère de cinq enfants, mariée à un alcoolique violent n'était pas rose. Je n'avais pas d'ami, sauf une dans l'enfance et ensuite une autre pendant l'adolescence. Je n'aimais pas être en bande. J'aimais être à la maison avec ma maman.
Je réalise aujourd'hui que je suis une hypo-responsable. Je n'ai ni appris le dépassement de soi, la persévérance, la ténacité, l'effort, ni à prendre mes responsabilités d'adulte. On m'a appris à abandonner devant les obstacles en croyant me protéger, m'aimer. Lorsque ma mère était ivre, elle m’ignorait totalement et portait alors toute son attention sur ma sœur cadette. Elle avait sa préférée à jeun et sa préférée lorsqu'elle était ivre. Je lui en voulais de boire. Je me sentais abandonnée et trahie. Elle simulait souvent des évanouissements ou des malaises lorsqu'elle était en état d'ébriété. Elle me réclamait à son chevet. Je n'y allais jamais. Lorsqu'elle s'enivrait elle n'était plus ma mère. Je me coupais d'elle complètement. Étrangement, j'ai peu de souvenirs d'enfance liés à mon père. Il était souvent ivre et violent, mais je me souviens de peu de choses. J'étais définitivement obsédée par ma mère.
Adulte j'ai connu des taux d'absentéisme très élevés au travail. Aussi surprenant que cela puisse paraître je n'ai jamais perdu aucun de mes emplois, c'est toujours moi qui démissionnais. Les motifs de mes absences étaient toujours d'ordre émotionnel et souvent liés à mes relations amoureuses. Je réalise aujourd'hui que mes montagnes russes émotionnelles me drainaient une énergie folle, elles m'épuisaient littéralement. Le nombre de tests médicaux que j'ai passés de vingt à trente-cinq ans est incalculable. La médecine ne trouvait rien. J'étais constamment fatiguée, à bout.
Professionnellement je me comportais comme une sprinteuse. Je me défonçais sur de courtes périodes et jr m'écroulais par la suite. C'était le tout ou rien. Je me sentais coupable de mes absences et de mon manque d'assiduité, alors quand je reprenais le travail j'en donnais encore plus et bien sûr l'épuisement ne se faisait pas attendre. Mais c'était difficile pour mes employeurs de congédier une employée si performante. Toute ma vie manquait d'équilibre. J'ai écris un roman en 2002, je l'ai mené à terme mais pour être honnête j'en ai bâclé de grands bouts. Je l'ai quand même fait parvenir à deux ou trois maisons d'édition. J'ai essuyé trois refus, mais une des maisons d'édition faisait mention dans sa lettre de refus, que mon idée de base était bonne, que j'avais un talent pour l'écriture mais qu'il y avait beaucoup de travail à faire. J'ai pris mon manuscrit, je l'ai mis sur une tablette de ma bibliothèque pour le perdre quelques années plus tard dans un déménagement. Ça ne m'intéressait plus. C'était trop compliqué.
Mon retour au travail dans quelques jours me fait horriblement peur. Je crains de refaire les mêmes erreurs que par le passé. Même si je me connais un peu mieux, je sais que je suis une codépendante et avec le travail que je fais sur moi depuis huit mois bientôt, j'ai un petit peu plus conscience de mes patterns. Mais, j'ai quand même peur. Je me démotive si facilement. Je perds mon intérêt sans trop comprendre pourquoi. On dirait que ce que je veux c'est d'être choisis et une fois que cela est fait, ça ne m'intéresse plus.
C'est confus cette partie là de moi. Je ne comprends pas très bien encore ce qui provoque ces réactions en moi. Par exemple, ce qui me semblait être une idée géniale, une certitude même m'apparaît inutile et insipide une semaine plus tard. Je trouve que ce sont des comportements et attitudes très infantiles. Très instables et guidés par des émotions mal gérées. Comme si au bout d'un certain temps je me disais. «ça ne ma tente plus».
Mon immaturité émotionnelle fait en sorte que je n'aime pas ressentir de stress et d'en ressentir me donne envie de tout lâcher. Car je dramatise et je me dis que je vais être anxieuse chaque fois que je vais me rendre au travail, que je ne pourrai pas supporter cela, que c'est au dessus de mes forces et bien sûr j'en viens à avoir juste une envie : celle de rester dans mon lit sous mes couvertures bien en sécurité à la maison.
Évidemment mon retour au travail après dix ans d'absence est porteur de beaucoup de stress chez moi voire d'anxiété. Lorsque mes émotions me submergent j'en viens à voir tous les côtés négatifs de cet emploi et mon envie de me désister augmente en flèche. Et dans ces moments-là je deviens en colère contre l'autre. Lui faisant porter le poids de mon anxiété. S'il n'était pas parti je n'aurais pas à subir tout ce stress. J'aurais envie de lui crier : C'EST DE TA FAUTE SI JE DOIS ME PRENDRE EN MAINS. Nul doute, je suis vraiment une hypo-responsable, mais je m'efforce de grandir !
ISA