De toute ma vie je ne me souviens pas d'avoir vécu mes émotions à «froid». Quelles soient intenses ou juste inconfortables j'ai toujours choisis la fuite dans la nourriture, l’agitation, Internet, la diversion, le sexe, les achats, les problèmes des autres, n'importe quoi pour faire taire au plus vite cette chose, mais cette chose a la tête très dure. Moins je l'écoute plus elle crie fort. La peur et l'anxiété de devenir folle si je laisse mon corps ressentir une émotion ont toujours motivées la fuite. Ressentir de l'anxiété est de loin ce qui me fait le plus peur, vraiment peur. Je ne sais pas pourquoi, mais pour moi l'anxiété est ce qui se rapproche le plus de la folie. En fait, c'est l'état d'affolement, de panique qui l'accompagne qui me terrorise. Juste à l'écrire je me sens mal.
Hier soir, dans mon lit elle s'est manifestée dans toute sa force. Une anxiété puissante qui fait de mon cerveau un lieu où les pensées obsessives tourbillonnent à un rythme accéléré. Je perds le contrôle. Les pensées se bousculent alors à une telle vitesse que je n'ai pas le temps d'avoir peur d'une chose qu'aussitôt une autre se présente. Un affolement qui me noue la gorge, qui me donne envie de pleurer et qui me coince, une envie de hurler qui gronde en moi, une hyper-émotivité qui me surprend à chaque fois. Et là je me convainc que je n'aurai pas le choix, que je devrai avoir recours à la médication sinon c'est la folie assurée. Et comme l'unique expérience que j'ai eue avec les antidépresseurs ne fût pas du tout concluante (j'ai ressenti tous les effets secondaires les plus rares et les plus dangereux liés à la prise du Celexa), pour moi de toute évidence le chemin n'étant pas dans les petites pilules miracles, je me retrouve alors dans une grande impasse. Avant, les antidépresseurs m'apparaissaient comme la solution idéale. Une substance chimique qui s'occuperait de balancer ce qui ne fonctionne pas dans mon cerveau tout en diminuant considérablement mon intensité émotionnelle, dont mon anxiété. BINGO ! J'ai un peu déchantée lorsque le médecin m'a dit que c'était une solution temporaire et qu'elle n'était d'aucune efficacité à long terme, dans mon cas, si je n'entreprenais pas un travail en psychothérapie. Oups ! Je ne pouvais pas prendre d'abonnement à vie. Finalement le miracle n'existait pas. Il fallait donc que je fasse face à mes émotions. Du coup, la peur et l'impuissance augmentent en flèche, la peur et l'impuissance étant les deux émotions qui composent l'anxiété.
Me voilà peinturée dans le coin. Je me vois déjà avec des contentions aux poignets et aux chevilles dans une chambre toute blanche dans le fond d'une aile psychiatrique. Tout cela parce que des émotions grondent en moi ! Il doit certainement y avoir un autre chemin, une autre façon de faire pour se libérer des émotions négatives et apprendre à la gérer adéquatement autre que de les anesthésier avec des pilules, de les fuir ou de se rendre jusqu'à la folie. Je ne peux pas croire qu’il n’existe pas d’autres solutions !!!... Selon les livres de Diane Borgia, la confrontation est une bonne façon de faire diminuer l'anxiété et les émotions dites négatives. Confronter mes pensées qui causent mes émotions (dont l'anxiété) pour faire diminuer leur intensité et restructurer mes pensées d'une façon plus réaliste donc moins propice aux états anxiogènes. Est-ce que c'est cela? Est-ce que j'ai bien compris? Mes peurs sont presque toujours jumelées à un sentiment d'impuissance et d'incapacité dans mes moyens. Il est donc « logique» que je ressente aussi souvent de l'anxiété. En fait, j'ai l'impression d'avoir très peu d'emprise sur ma vie et sur mes émotions. Mes émotions étant des bibittes étranges qui sortent de je ne sais où et qui prennent possession de moi. Devant leur invasion je n'ai qu'à rester là à souffrir jusqu'à ce qu'elles décident de partir.
Penser ainsi fait de moi une victime condamnée à perpétuité à souffrir émotionnellement. Ça ne tient pas de bout ! J'ai l'impression d'être une enfant dans un corps de femme. Que je n'ai pas ce qu'il faut pour affronter la vie et mes responsabilités. Pas de sécurité intérieure, pas de maturité émotionnelle, pas d'identité propre. Parfois, lorsque je dois affronter des responsabilités qui génèrent en moi une dose de stress, je me surprends à avoir une envie très forte de crier MAMAN ! Je deviens affolée face à la vie et pourtant dans la réalité ma mère n'a jamais été un modèle de sécurité pour moi. Jamais. J'étais la mère de ma mère. Mais alors comment se fait-il que si j'ai pu des l'âge de 8 jusqu’à 35 ans assumer le rôle d'une mère auprès de la mienne et qu’à 47 ans je me sente comme une enfant face à la vie? Comment se fait-il qu’à 13 ans je sécurisais ma mère et la protégeais contre un homme de 6 pieds pesant 250 livres, qui était ivre et violent et qu’à 47 ans je crie MAMAN en silence en allant à une entrevue d'embauche...!
En plus de l’anxiété, je vis aussi beaucoup d’infériorité et j’ai une image vraiment négative de moi-même. Et, ce matin, tout en épluchant les offres d'emploi, j'écoutais les conférences sur CDs de Diane Borgia sur l'amour toxique. J'ai alors pris conscience des répercussionsd'avoir une identité négative. Le fait d'avoir une identité négative de soi nous amène à idéaliser les autres ou à les mépriser. Comme codépendants nous oscillons dans ces extrêmes. C'est le noir ou le blanc. Le tout ou rien. Donc, j'imagine qu'on fait la même chose avec soi-même. Ou bien on se méprise, ou bien on s'idéalise. Donc, nous sommes rarement dans une vision réaliste de soi et des autres.
En poussant plus loin ma réflexion (car le travail que j'effectue sur moi-même pour me rétablir de ma codépendance m'amène à confronter plusieurs de mes idées et croyances) j'ai pris conscience que le fait d'entretenir une identité négative de soi, nous amène à choisir des partenaires qu'on idéalisent car c'est à travers la valeur qu'on leur accorde qu'on va chercher le sentiment d'être soi-même valable pour contrer la piètre image qu’on a de soi. Ou bien on choisit quelqu'un qu'on méprise et l'on décrète, selon nos opinions, qu'il possède une valeur inférieure à soi donc que nous sommes supérieur à lui avec un but inconscient de rehausser sa piètre image de soi en dévalorisant l'autre.
Est-ce que mon raisonnement a du sens ? En fait, l'image que nous avons de l'autre nous renvoie, comme un miroir, la valeur que nous nous attribuons à nous-même. Donc, comme codépendant on ne choisit pas un partenaire amoureux pour le plaisir, pour la joie ou pour partager des buts communs tout en ayant notre propre vie et nos propres projets en dehors de la relation, mais dans le but de rehausser notre identité négative. Le but ultime d'être en relation est donc de sentir qu'on est une personne valable donc digne d'amour et non de s'épanouir et de laisser son partenaire s'épanouir. On est dans la possession et le contrôle de l'autre. Si il m'aime je suis valable, s'il ne m'aime pas je ne vaux rien. OUFFF!
Je n'ai peut-être pas encore d'emploi mais je viens de comprendre une chose très importante sur l'identité négative je crois ! Donc, dans une relation toxique on ne veut pas que l'autre s'élève, s'épanouisse. On veut le garder sous notre contrôle car notre estime de soi en dépend. Donc, on se dit que si l'autre s'élève, change, se prend en main, se réalise, il n'aura plus besoin de nous et ne voudra plus être avec nous. Car il réalisera ce que nous nous savons depuis longtemps et que nous tentons de lui cacher par toutes sortes de comportements de dévouement à outrance, de contrôle, de mensonges et autres. Que dans les faits, nous sommes une personne sans valeur et non digne d'amour. Au fond, se sont des relations dans lesquelles les partenaires s'investissent à se maintenir dans la dépendance et le contrôle l'un de l'autre au lieu de s'aider à s'épanouir et à se réaliser pleinement. Et tout cela parce qu'à la base ils ont une identité négative d'eux mêmes. L’autonomie du partenaire devient donc une menace pour l'autre. Tout changement est menaçant et perçu comme un risque de perdre le contrôle de l'autre. On veut maintenir l'autre sous notre contrôle car sans lui nous ne sommes rien. Mais Dieu du ciel, un tel comportement n'a rien à voir avec l'amour véritable! Je me sens honteuse en ce moment car au début de mon rétablissement j'ai entretenu ce genre de pensées. Dans mon esprit si l'autre s'épanouissait et devenait plus heureux sans moi cela voulait dire que j'étais sans valeur. Je n'étais pas dans l'amour de l'autre mais dans l'égocentrisme en raison d'un profond manque d’amour envers moi.
Sept mois ont passés depuis le début de mon rétablissement et je réalise que des changements important s'opèrent en moi. Lentement mais surement. Plus je me traite avec respect, que je me réalise, que je relève des défis et que je prends la responsabilité de ma vie, de mes émotions et que je prends soin de moi adéquatement, plus je souhaite la même chose pour ceux que j'aime. Je souhaite qu'ils soient bien avec eux-mêmes, car au lieu de m'enlever quelque chose cela risque de bonifier leur propre vie et par le fait même la qualité de ma relation avec eux. Définitivement, plus mon regard sur moi change, plus celui que je porte sur les autres change aussi.
ISA