Nous sommes en avril et j'ai décroché un emploi ! Après 10 ans sans emploi, à 47 ans j'ai décroché un emploi. J'ai moi même de la difficulté à y croire ! J'ai réussi cela moi ! Ce n'est pas le Pérou, mais c'est un emploi dans mon domaine et dans un environnement très chaleureux, quoique difficile. J'ai un bureau. Beaucoup de responsabilités. On me fait confiance. Mon expérience est appréciée et étonnamment mes réflexes professionnels ne sont pas si rouillés.
Petit à petit, je reprends confiance en moi professionnellement et ce travail me donne une autonomie financière que je croyais ne plus jamais avoir. En février, j'étais dans un vrai trou noir, très souffrante et avec peu d'espoir de m'en sortir. La simple idée d'avoir à affronter le marché du travail m'anéantissait. Je n'avais plus aucune confiance en moi ni en mes capacités. J'avançais, mais j'avais le sentiment d'être morte.
Je reviens de très très loin ! Je ne voyais que la laideur en moi. Nombreuses sont les fautes que j’ai commises. La possibilité d'être juste bien un jour n'était pas pour moi. Je devais souffrir, expier pour avoir tant blessé l'Autre avec mes comportements de codépendance.
Aujourd'hui, je sais qu'à lui seul le temps ne peut pas faire grand-chose, mais, jumelé à une bonne dose de courage et du travail, il peut aider à panser des plaies. Je ne suis pas encore rétablie, loin de là. Je commence tout juste à prendre contact avec ma souffrance. Et il y en a beaucoup, beaucoup plus que je ne le croyais.
La souffrance c'est comme la poussière, elle ne s'envole pas parce qu'on tente de l'oublier. Elle s'accumule. Puis un jour, la couche devient tellement épaisse qu'on étouffe. L'accueil de la souffrance est une étape très difficile. Moi j'ai toujours tenté de l'anesthésier, donc de la laisser s'exprimer en moi me fait horriblement mal et j’en ai peur. Je croyais à tort ne pas avoir la capacité de la tolérer. J'y arrive par petit bout, en travaillant à changer mes pensées.
Mon immaturité émotionnelle fait en sorte que j'ai l'impression que la douleur ne partira jamais. Évidemment, le fait d'entretenir ce genre de pensées me crée un état de panique et augmente ma détresse. Mais je progresse. Je me suis libérée de la plupart de mes moyens anesthésiants. Pour moi, cela représente la possibilité d'être heureuse un jour, car je sais maintenant que tant et aussi longtemps qu'on maintient nos comportements anesthésiants en place, aucun rétablissement n'est possible, car ceux-ci nous empêchent d’entrer en contact avec notre souffrance.
Avec un travail assidu, je développe un mode de pensée de plus en plus réaliste. J'ai compris que je n'étais pas un monstre et que l’Autre avait contribué lui aussi à me maintenir dans une forme de dépendance pour assouvir ses propres besoins de codépendant. Lorsque j'ai admis cette réalité, ma vision de lui s'est modifiée. Je l'ai enfin descendu du piédestal sur lequel je l’avais mis et je me suis mise à le voir tel qu'il est vraiment et non pas comme je voulais qu'il soit. Hier encore, je réalisais à quel point son jugement peut être très défaillant en raison de sa propre codépendance. La codépendance est vraiment un cancer de l'âme qui se perpétue de génération en génération et qui fait des ravages au sein des couples, des familles et de la société.
Pour toutes sortes de raisons trop longues à expliquer ici, je me suis retrouvée encore une fois «victime» de sa nouvelle relation amoureuse avec une autre dépendante affective qui, de toute évidence, me voit comme un obstacle à son bonheur. C’est pourquoi elle essaie, par toutes sortes de stratagèmes, de me discréditer aux yeux de l'Autre. De l'enfantillage, mais de l'enfantillage toxique et dangereux. De l'enfantillage qui fait mal.
Tout cela a commencé en décembre et cela m'a poursuivi même à mon travail. Je n'avais jamais vécu de telles situations dans toute ma vie. De voir ma vie privée étalée au grand jour. Je ressens beaucoup de colère face à l'Autre qui a confié des éléments très privés et très personnels de ma vie à une étrangère en qui il avait mis toute sa confiance. Une confiance aveugle, une confiance de codépendant, une confiance d’une personne immature émotionnellement, une confiance de désespéré... J’ai mal en constatant cela. Cela me donne l’occasion de me créer des peurs et me rendre anxieuse, mais en même temps, cela me fait comprendre jusqu’à quel point la dépendance affective, avec son identité négative et l’immaturité émotionnelle, crée un besoin incontrôlable d'être en relation à peu près n'importe qui, pour ne pas sombrer.
D'en faire sa confidente, de tout lui raconter croyant qu’elle pourra le sauver de lui-même. Et cela, sans prendre conscience des dommages et des risques qu’il court pour lui-même et qu’il fait courir à son entourage en se fiant au jugement et aux conseils d'une personne aussi ou encore plus souffrante et toxique que lui-même…
C'est comme si la douleur nous rendait «stoned» et que nous perdions temporairement tout sens logique et jugement. Les mauvais choix, les erreurs de jugement, les problèmes qui en découlent s'intensifient. Je sais, je suis passée par là. Et j'ai compris hier que l'Autre n'y a pas échappé non plus. Pour lui, j'étais coupable de tout. J'avais tous les torts et je ne méritais plus aucun respect et aucune considération de sa part. Tout ce qui sortait de ma bouche n'était qu'un tissu de mensonges. J'étais pour lui un déchet, un paria alors que lui, modèle d'intégrité, était une victime innocente. Il était donc en droit de me traiter irrespectueusement. En fait, je n'avais que le juste retour de ce que je méritais. Sa souffrance et sa grande dépendance affective lui ont aussi fait perdre tout jugement. Et au lieu de faire face à sa douleur et de tenter de comprendre ce qui se passait en lui en allant chercher de l'aide professionnelle, il s'est réfugié auprès d'une inconnue qui est devenue sa confidente.
À partir de ce moment-là, tout ce que disait cette personne ne pouvait qu'être la vérité. Il s'illusionnait en croyant avoir trouvé une femme saine, équilibrée en laquelle il pouvait mettre toute sa confiance. Si sa confidente lui disait que je lui avais téléphoné pour lui dire que l'Autre avait dormi chez moi, il la croyait sur parole. Pas une seconde il ne lui est venu à l'esprit que sa confidente aurait pu inventer tout cela. Non, pas elle. Tout comme il croyait impossible que cette personne profane ses courriels. Moi oui, elle non, impossible. Il ne pouvait se tromper sur elle.
Pour se donner bonne conscience, il voyait l'autre avec des lunettes roses et moi avec des lunettes noires. Quelle pensée rigide. Tout le mal ne peut venir que moi quand même. Il s'illusionnait pour éviter encore une fois de réaliser qu'il s'était trompé.
Aujourd'hui, je prends conscience à quel point le besoin incontrôlable d'entrer rapidement en relation affective pour se soulager peut causer beaucoup de tort. Dans son cas, cela l’a mené à divulguer des informations très personnelles sur moi avec toutes les conséquences que cela m’a causé.
Être un codépendant c'est vraiment comme être toxicomane. Je le sais aujourd'hui. On peut descendre très bas comme un drogué qui vendrait sa mère pour avoir sa dose… J'ai fait moi aussi des choses dont j'ai très honte aujourd'hui en raison de ma codépendance, mais depuis 8 mois je m'efforce, jour après jour, de vivre dans le respect de moi et des autres et surtout dans la vérité autant que faire se peut.
Je n'y arrive pas toujours, il m'arrive encore de tourner les coins ronds et de me surprendre à dire ceci ou cela pour me valoriser ou mieux paraître aux yeux des autres et d'embellir mon rôle dans une situation pour rehausser ma faible estime de moi. Mais aussitôt que j'en prends conscience, j'y travaille.
J'ai donc décidé de me rendre aux autorités pour voir quels sont mes recours face à ces intrusions dans ma vie privée. C'est une démarche difficile pour moi, je ne sais pas défendre mes droits et j'hésite encore à y aller. Je me sens coupable lorsque je pose des gestes pour me faire respecter. Comme si tout cela allait se retourner contre moi. Comme si je me devais de subir ces situations n'ayant pas le droit de me défendre, d'imposer des limites, de dire c’est assez. J’ai encore la croyance, mais beaucoup moins forte qu’avant, que je me dois d’être gentille et compréhensive pour être aimée tout en acceptant les blâmes en baissant la tête et en m'excusant d'exister. J'ai ressenti la même chose lorsque mon ancienne psychologue voulait que je paye une consultation que j'avais annulée. Je me savais dans mon droit de ne pas payer en entier, mais j'ai payé quand même. Heureusement que ma perception des choses a commencée à se modifier. Alors, lorsque l’Autre m'a fait subir cette série d'humiliations, j'ai commencé à ce moment-là à mettre mes limites et à imposer un certain respect. Mais là encore, je me sentais fautive et coupable et je remettais en question la pertinence de réclamer un peu plus de respect.
C'est une prise de conscience très douloureuse pour moi, de réaliser à quel point j'ai une faible estime de moi. Une de mes sœurs me répète souvent que je suis trop bonne. Je ne crois pas que je suis trop bonne, en fait je ne crois pas que ce soit une question de bonté, mais une question de se sentir sans valeur. Lorsqu’on accepte d'être bafouée et injustement traitée et croire qu'on le mérite est en lien direct avec l’identité négative.
Heureusement que je suis à changer les pensées fausses héritées de mon père qui m’a si souvent laissé entendre par ses gestes et ses paroles que je ne valais rien, que je n'étais rien. Aujourd’hui, j’ai décidé de me respecter et de me défendre, car je suis un être humain qui a les mêmes droits que tous les autres, surtout celui de vivre et d’être heureuse. Alors j’ai pris les moyens de me faire respecter auprès de l’Autre et j’en suis bien contente.
ISA