La préparation de mon entrevue est vraiment ardue. Je me répète qu'ils ont sûrement retenu ma candidature par erreur. Je relis la lettre de présentation que j'ai envoyée, deux fois plutôt qu'une. Je me suis bien vendue. Je suis bonne pour cela, mais j'ai dis la vérité. Je n'ai pas gonflé ou ajouté de faits.
En me relisant, je constate que j'ai réalisé des choses intéressantes professionnellement par le passé. Cela me donne un peu de motivation pour continuer à me préparer même si au fond j'ai une image négative de moi-même. Mais j'ai recommencé à viser un peu plus haut, il n'y a pas longtemps je me voyais passais le balais chez Mc Do. Je me disais que c'est tout ce que je pouvais faire comme travail. Entendons-nous bien, je n'ai aucun mépris pour ce genre de travail, loin de là. J'ai fait de l'entretien ménager avec ma mère pendant des années.
Mais mon hamster tourne à tout régime et je me répète des phrases comme : «Pour qui te prends-tu? Tu n'y arriveras jamais ? Tu vises trop haut ?» Il ne m'en faut pas plus pour me plonger dans un état de découragement profond. La procrastination prend alors toute la place. Je ne veux plus de ce poste, je me crois incapable d'occuper cet emploi et préparer cette entrevue est trop confrontant pour moi. Cela me confronte à l'image négative que j'ai de moi. C'est trop souffrant, je voudrais fermer les rideaux, me faire livrer une énorme pizza que j'engloutirais devant la télé. Vite ne plus ressentir, mais je n'ai pas le choix les emplois ne sont pas légion.
Mais je dois travailler. Je retourne à la préparation de mon entrevue, mon anxiété est à son paroxysme. Je tente de me faire un plan de préparation, d'être logique, mais, dans la même minute, je passe de l'euphorie au découragement profond. Je suis bipolaire j'en suis certaine, ou folle à lier. Et voilà que passe de la procrastination à la perfection. Je dois être parfaite, je dois pouvoir répondre à toutes les questions en lien avec le poste. J'imprime alors des tonnes de documents. La pile est si haute que j'aurais besoin d'au moins une semaine pour passer au travers et je n'ai pas le temps. C'est le tout ou rien, je suis dans la démesure, je n'ai pas d'équilibre. Je ne sais plus quoi faire.
J'ai le réflexe de m'asseoir et d'ouvrir le livre Amour toxique de Diane Borgia, livre sur lequel je suis tombée tout à fait par hasard il y a quelques mois à la bibliothèque. En lisant les premières pages je me suis écroulée entre les rayons de livres. En une page on venait de m'expliquer ce qui ne fonctionnait pas en moi. On mettait des mots clairs et précis sur ce mal de vivre qui me ronge depuis 40 ans. J'ai dû m'asseoir tant l'émotion était intense. Je suis toute suite allée voir à la fin du livre pour vérifier s'il y avait des exercices à faire ou si l'auteur étalait sa théorie en laissant le lecteur seul avec ses prises de conscience douloureuses. Heureusement, les exercices étaient-là. J'ai donc emprunté le livre et maintenant je relis le page sur l'identité négative et l'immaturité émotionnelle.
Tranquillement je mets en sourdine les pensées comme : «Je dois être parfaite ou je n'y irai pas. Je dois donner tout ce que j'ai, c'est tout ou rien». Cela me permet de retrouver un certain calme. Je continue alors la préparation de mon entrevue avec des pensées moins extrêmes et plus réalistes. Je me dis que si je me prépare adéquatement et si je fais aussi confiance à mon expérience de travail passé, je peux réussir à faire une bonne entrevue. Ces pensées sont rassurantes. Leurs logiques m'apaisent et me donne l'énergie nécessaire pour compléter ma préparation avec plus de calme. Je fini par me dire que le plus important est de faire face à mon engagement en me présentant demain à cette entrevue.
J'ai mal dormi cette nuit. L'entrevue n'est qu'à 16h00. Toute une journée à attendre. Mes émotions jouent aux montagnes russes, mais beaucoup moins que je ne l'aurais cru. J'arrive à formuler mes pensées pour rester dans la réalité. Arrivée à l'heure, je pense avoir fait un assez bonne entrevue. J'ai contrôlé relativement bien mon stress. J'ai marqué des points à certains moments et j'en ai perdu aussi, mais en bout de ligne, cela s'est avéré correct. Je n'ai pas été parfaite, ni médiocre.
Je rentre alors chez moi très fière, non pas de l'entrevue, mais de m'y être présentée et avoir su reformuler mes pensées pour parvenir à faire ce que j'avais à faire. La soirée est difficile. La tension dans mon corps est grande. Je me sens angoissée. Comme si l'adrénaline baissait et que je prenais conscience de l'effort émotionnel que tout cela m'a demandé. J'ai peur de faire une crise d'angoisse. Je ne fuis pas. J'écoute ce qui se passe en moi. J'agis envers moi-même en parent bienveillant. Je retrouve peu à peu mon équilibre. C'est une belle victoire. Vais-je avoir le poste ? Je n'en sais rien. Cette décision est hors de mon contrôle, mais moi j'ai monté seule une autre marche. J'ai fait face à mes responsabilités. Je me suis bien préparée, j'ai respecté mon engagement et j'ai donné le meilleur de moi-même. C’est ce qui est le plus important.
Pourquoi? Pourquoi ? Pourquoi ? Je sais au fond de moi ce que je devrais faire pour rééquilibrer ma vie. Mais je n'arrive pas à me mobiliser avec constance. Je fais les bonnes choses pendant un certain laps de temps pour ensuite retomber dans une léthargie paralysante. Je suis souvent aux prises avec une tristesse et un sentiment de solitude. Je cherche beaucoup à l'extérieur de moi la potion magique ou la personne qui pourrait me faire sentir bien. J'ai la conviction que si j'avais un travail, un amoureux, des enfants, des amis, des activités structurées, si je faisais du sport régulièrement, si je m'alimentais mieux, si je perdais encore du poids, et si, et si ... Je serais HEUREUSE ENFIN. Pourtant, j'ai déjà été plus mince, eu un travail, un amoureux et je n'étais pas plus HEUREUSE. Pourquoi ?
Je sais que j’ai à gérer mon identité négative. Le fait d'être de plus en plus sensibilisée à l'impact de mes pensées sur mes émotions et de comprendre, grâce à ton livre et tes CDs que mes comportements et attitudes sont liés à ma
codépendance m'aide à être moins submerger par toutes sortes d'émotions diffusent et à refaire rapidement de l'ordre dans ma confusion émotive au lieu de couler des jours durant. J'évite
aussi de faire du négativisme à outrance et du positivisme exagéré. Je tente de voir la réalité et de me voir moi aussi telle que je suis, avec mes qualités tout en évitant de les exagérer ou de
les diminuer.
J'ai aussi compris que lorsque je prends soin de moi adéquatement (recherche d'emploi, DAA, travail sur moi, relaxation, bonne alimentation, exercice, écriture) j'ai une énergie calme et cela me
renvoi une image positive de moi. J'ai longtemps attendu qu'on s'occupe de moi et fuis mes responsabilités. De les prendre, de les assumer, une par une, me donne confiance. C'est comme monter un
très long escalier. Au début j'ai l'impression que c'est trop gros pour moi, que je n'aurai ni la force, ni la capacité, mais à chaque marche que je monte cela me donne confiance de pouvoir
monter la prochaine.
Même si j'ai encore plein de peurs, dont celles de me retrouver sans travail, sans argent, comme une itinérante - ce genre de scénario qui me paralyse et me donne envie de crier au secours, venez
me sauver - j'arrive de mieux en mieux à avoir des pensées plus réalistes qui m'aident à prendre de meilleurs décisions pour résoudre mes problèmes.
ISA